Hier, plusieurs situations d’urgence le même jour
Hier était la journée à la fois la meilleure et la pire de ma carrière.

En effet, le même jour, nous avons dû gérer pas une, pas deux mais trois situations d’urgence !
Rappelons que je travaille dans un petit service de soins intensifs de douze lits, où habituellement nous n’avons qu’à gérer des petits problèmes tels que des hémorragies, hypotensions, malaises mais rarement des urgences mettant en jeu le pronostic vital.
Notre travail consiste principalement à de la surveillance post opératoires de patients à risques à cause de leurs antécédents cardiaques, entre autres.
En un an et demi d’exercice dans ce service, je n’avais géré qu’une hémorragie (mon premier jour !) et des malaises vagaux au premier lever ou petites bradycardies, tachycardies, hypertensions… Car dès que l’état des patients devient trop complexe à gérer, nous les transférons en réanimation dans le CHU le plus proche.
Autant vous dire que trois situations d’urgences le même jour…c’est exceptionnel !

Heureusement, ce jour-là, j’étais bien entourée.
Toute la journée nous avons littéralement couru, ma collègue infirmière et moi-même, pour gérer nos 10 patients, accompagnées de nos précieuses aides-soignantes.
Une de nos patientes, la plus jeune car ayant la trentaine, avait besoin de soins vraiment intensifs, c’est à dire qu’à chaque fois que j’allais dans sa chambre, peu importe les soins nécessaires, je n’en sortais pas avant une heure.
Sans compter mes quatre autres patients !
Dans ces moments là, le soutien des collègues est primordial.
Que ce soient les chirurgiens, les anesthésistes, les collègues infirmiers et aide soignants, l’entraide est…vitale !
Sans eux, la journée aurait été la pire de ma carrière, mais grâce à eux, je me suis sentie plus utile et efficace que jamais !
Les aides-soignantes ont géré les à côté : récupérer les interminables radios et commandes à la pharmacie en passant par le ménage tout en nous distribuant le matériel par la porte des chambres pendant les soins stériles, elles ont vraiment géré ! Et tout ça avec si peu de reconnaissance…
De même, l’anesthésiste, pour qui c’était le premier jour dans notre clinique, en a vu des vertes et des pas mûres toute la journée ! Il a dû jongler entre ces trois situations d’urgences, en plus des consultations préopératoires dans les autres étages, et des patients mal en point de ces autres services… et tout ça avec un calme olympien !
Entre pose d’un cathéter fémoral en chambre (car nous n’arrivions pas à poser une voie veineuse périphérique), les appels aux différents spécialistes, se prendre des remarques franchement désagréables d’un chirurgien (qui ne voulait pas transférer sa patiente en réanimation) et j’en passe…il se souviendra de cette journée !
Quant à moi, j’ai appris des choses que je ne suis pas prête d’oublier non plus…

J’ai pu assister à cette fameuse pose de cathéter fémoral, revoir ou découvrir les différents dosages des drogues d’urgence (noradrénaline, épinéphrine etc…), améliorer mon organisation et classer mes priorités en fonction des imprévus, mais surtout apprendre sur moi.
Après cette journée, je me suis penchée sur la gestion de mes émotions, c’est-à-dire comment faire en sorte qu’elles me rendent plus forte et plus efficace au lieu de me ralentir, au quotidien et surtout au travail.
Je me suis rendue compte que mes collègues comptent encore plus que je ne le pensais comme soutient moral et que si à ce niveau-là je ne me sens pas à l’aise, la qualité de mes soins s’en voit amoindrie. Ainsi que ma confiance en moi.
Car cette journée s’est reproduite et continuera de se reproduire tant que je ne relativiserai pas.
Ce que je souhaite retenir de cette journée relève principalement du positif, car à mon sens, si l’Enfer c’est les Autres, le Paradis ne vaux rien si on y réside tout seul.
En arrivant au travail ce matin-là, je ne m’attendais pas à vivre une journée pareille, et pourtant, sans avoir pu vraiment m’asseoir, manger, ou respirer correctement (à cause du masque) pendant plus de quatorze heures de course intensive, je suis rentrée chez moi satisfaite.
Alors quand une journée se passe « mal » (car une famille, un patient, et/ou un médecin me manquent de respect et qu’ensuite la collègue de nuit sous-entend que j’aurais pu faire plus…) je repense à cette journée.
Je me dis que c’est possible de vivre des évènements en apparence horribles voire traumatisants et pourtant en tirer du positif.
Et grandir.
Evoluer.
Devenir la meilleure version de soi-même.
Sachez que c’est également possible de faire de sa vie une histoire. Pour les autres, si vous voulez, mais avant tout pour vous.
Elle n’intéressera pas tout le monde, forcément, mais si elle peut éclairer le chemin de quelques personnes perdues dans le noir, elle vaut le coup d’être racontée.
Et c’est ce que je compte faire avec vous. Partager mes souvenirs d’infirmière, les bons comme les mauvais.
Et apprendre.
Apprendre à communiquer avec des inconnus après des années de timidité maladive, apprendre à m’ouvrir après avoir été persuadée que ça n’intéresserait personne.
Et prendre du recul.
Car les épreuves que nous traversons nous ne les choisissons pas. Cependant nous pouvons décider de la façon dont nous y réagissons.
Et seul le recul peut nous aider à y voir plus clair en ces temps d’incertitude mondiale.
La suite au prochain article.
Prenez soin de vous surtout.
Personnellement, j’étais infirme hier.
Et le chemin vers la guérison est long et semé d’embûches.
Affectueusement.
