Première prise en charge d’un surdosage en morphiniques
Une des inquiétudes les plus fréquentes des soignants est d’avoir à affronter les effets secondaires des morphiniques.
Mis à part les fréquentes nausées et vomissements, sueurs et somnolence plutôt gérables, il peut arriver que le patient en surdosage présente des difficultés respiratoires appelées apnées (pauses respiratoires) ou dyspnées (fréquence respiratoire trop rapide ou trop lente) voire un coma.
Et c’est ce qui est arrivé à mon patient.😓
Comme souvent je travaillais de nuit, et j’entamais la première distribution de traitements, change de protections, réponse aux sonnettes et installations pour la nuit.
Le personnel soignant étant réduit la nuit, ma collègue aide soignante est allée chercher elle même le patient qui sortait de salle de réveil après une titration en morphine.
Ce patient, déjà opéré d’une amputation de la jambe (au dessous du genou) depuis quelques jours se plaignait de douleurs intenses constamment malgré des antalgiques très puissants per os (par voie orale).
L’équipe soignante (infirmières et médecins) a donc décidé de lui poser une pompe à morphine (ou PCA).
Mais pour savoir quel dosage serait efficace sur ce patient (nous réagissons tous différemment), il a fallu faire une titration. Le médecin anesthésiste administre de la morphine diluée, à la seringue, en très petite quantité jusqu’à ce que le patient soit soulagé. Il peut ensuite déterminer le bolus (quantité administrée en une seule pression sur le bouton magique), le temps réfractaire (pause obligatoire entre 2 pressions) et le débit continu s’il y en a un.
Ce soir là, je vois mon patient remonter de salle de réveil dans son lit, réveillé et qui affirme aller très bien lorsque je le croise dans le couloir.
Je ne tarde pas à arriver dans sa chambre avec ma collègue aide soignante, qui une fois encore, arrivée la première dans sa chambre à dû m’appeler pour que je vienne en urgence (c’était la même aide soignante que lors de mon premier décès en plus!)
Elle (le temps que j’arrive) :
– Le patient ne se réveille pas!
Moi:
-Il doit sûrement dormir profondément, il était fatigué.
Elle:
– Non non, je te promets il dort pas là!
Moi (arrivant en courant):
– Monsieur X … (en lui tapotant le visage)
– MONSIEUR X (en le secouant légèrement et tapotant le visage et parlant beaucoup plus fort)!!!
Il répondait doucement à mes appels par des grognements et suait énormément…
Je décidais donc d’appeler l’anesthésiste de garde. Il me demanda alors si je voulais dire que le patient était dans le coma. Gros moment de solitude, je n’avais jamais vu de patient dans le coma en réalité (que dans Grey’s Anatomy!😅), mais je lui dis qu’en effet, il en présentait tous les symptômes!
Sauf que dans mon incompréhension (comment pouvait il être dans le coma maintenant alors qu’il était réveillé 15 minutes avant sans avoir eu aucun traitement entre temps?!) je me mis à bombarder de questions l’anesthésiste, disant que ce n’était pas normal, que ca n’aurait pas dû arriver et sous entendant pas très subtilement qu’il s’était forcément passé quelque chose d’anormal en salle de réveil (j’ai honte encore maintenant car j’ai sous entendu que c’était sa faute, lui qui était si gentil au telephone!☺️).
Aprés lecture approfondie du dossier, je me rendis compte qu’il avait pris du Skenan LP (morphine per os à libération prolongée) dans la matinée, qui avait dû interférer avec celle administrée en IV dans l’après midi.
Il me donna ses consignes tout en me rassurant au téléphone: on pouvait encore agir, à condition de le faire rapidement.
En effet, la morphine possède un antidote très efficace: le Narcan (Naloxone).💉
Aprés avoir arrêté le pousse seringue j’étais donc supposée lui administrer l’antidote présent sur chaque pompe à morphine justement pour ce genre de situation problématique.
Devinez quoi? Il n’y était pas!😤
Moi qui ne suis pas du genre à paniquer, cet oubli de la salle de réveil me mit dans un tel état que je me suis entendue hausser le ton au téléphone disant que c’était n’importe quoi, car pour une fois que j’en avais besoin, comme par hasard elle était absente!😡
J’allais donc la chercher dans le service d’à côté qui, comme par un heureux hasard, avait justement une pompe à morphine inutilisée AVEC le Narcan collé dessus (on n’a pas ce traitement dans la pharmacie du service).
Mon collègue intelligent, à qui j’expliquais la situation, me précisa que j’aurais pu en trouver dans le chariot d’urgence également (merci collègue, je n’y avais pas pensé dans la précipitation!)👍😅
Retour dans la chambre du patient avec le fameux antidote et toujours au téléphone avec le médecin qui, lui, était d’un calme olympien, (je le faisais même rire car il avait du en voir d’autres des surdosages!).
Petit calcul de dose: L’ampoule de Narcan contenant 0,4mg dans 1 ml, je devais diluer le tout dans 10ml (soit 9ml de sérum physiologique et 1ml de Narcan) pour obtenir une dilution de 0,04mg/ml dans ma seringue. Ensuite l’anesthésiste m’a demandé d’injecter 1ml sur 15 secondes en Intra-veineuse directe (IVD = directement dans le cathéter du patient) et d’attendre maximum 2 minutes le réveil du patient (c’est le délai d’action).
Ce délai passé, rien ne se produisit donc je recommençais la manœuvre.
Cette fois ci le patient présenta des signes de réveil et répondit plus clairement à mes sollicitations. Après les 2 minutes réglementaires, il était totalement réveillé et la première chose qu’il m’a dite : ” Mais qu’est ce que vous avez fait, vous avez arrêté ma morphine, j’ai mal maintenant!”😫
Surprise, je lui demandais s’il avait tout entendu et il me répondit que oui, qu’il était même sur un petit nuage et qu’il aurait bien aimé y rester!😳
Soulagée de le voir sorti d’affaire, j’en fis part à l’anesthésiste qui s’exclama mot pour mot: ” Félicitations vous lui avez sauvé la vie!”😉
J’étais tellement émue et étonnée par cette remarque après mon épisode de panique que je lâchais juste un pauvre “merci” timide et ingrat!😓 Car sans lui, je n’aurais rien pu faire, vu que c’était mon premier surdosage en morphine.
En tout cas, maintenant à chaque fois qu’il m’arrive d’agir en urgence je pense à cet anesthésiste et je le remercie intérieurement, car ces petits mots si simples m’ont redonné la confiance en moi et la gratitude dont j’avais besoin et m’ont réconcilié avec le personnel médical avec qui la collaboration est parfois très difficile.
Maintenant, je sais qu’il existe des anesthésistes qui savent qu’ils peuvent compter sur les infirmières et qui le reconnaissent, et ça, ça n’a pas de prix!👍
D’autant plus que, selon moi, les anesthésistes sont LES médecins les plus calés en termes de connaissances théoriques et réaction en situation d’urgence, ce pour quoi je les admire énormément.
J’espère que vous aussi vous recevrez ce genre de compliment de la part d’un médecin, car leur rareté les rend très précieux!🤗
A bientôt pour de nouvelles aventures!😷
Elise